Les filles de Chibok, 2 ans après

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Les filles de Chibok, 2 ans après

BBC Afrique, 14 Apr 2016

URL: http://www.bbc.com/afrique/region/2016/04/160413_chibok_two_years
Deux ans après leur kidnapping, 219 des 276 lycéennes enlevées à Chibok dans l'Etat de Borno au Nigéria, seraient toujours en vie selon une vidéo du groupe Boko Haram diffusée mercredi par la chaîne américaine d'information CNN.

Voici le portrait de cinq filles toujours portées disparues.

Le soir où Jumai a été enlevée de l'école secondaire de filles Government Girls à Chibok, elle a appelé son père.

Elle se trouvait à l'arrière d'un camion, avec ses camarades de classe, et des hommes munis de fusils les ont forcées à partir.

Son père, Daniel, lui a dit de sauter de la camionnette - mais la ligne s’est déconnectée et la communication s’est arrêtée.
Government Girls, École secondaire de filles, Chibok, Nigeria


Il a couru hors de la maison pour essayer de trouver un signal. Lorsqu’il a réussi à rappeler, c’est un homme qui a décroché en disant : "Arrêtez d'appeler, votre fille a été enlevée". C’est à ce moment que Daniel comprit que son sort était "entre les mains de Dieu". Le lendemain, il a essayé d'appeler à nouveau, mais la ligne ne fonctionnait plus.

Même si certaines familles des jeunes filles disparues ont accepté de communiquer leurs noms et photos, le nom des Jumai et de son père ont été changés pour protéger leur identité.

Avant leur kidnapping, les alentours de Chibok étaient relativement calmes. Le groupe islamiste Boko Haram avait attaqué des villages plus au nord et à l'est, mais cette ville animée avait jusque-là échappé à tout assaut.

Ville fantôme

Jumai est de Mbalala, une ville à environ 11km au sud de Chibok et l'une des plus touchées par l'enlèvement. Quelque 25 jeunes filles ont disparu de Mbalala.

C’était autrefois un petit bourg animé où les commerçants venaient de villes aussi éloignées que Kano pour acheter des haricots et du bétail. Mais aujourd’hui, les étals sont vides.

L’armée a limité toute activité, les habitants ne peuvent pas acheter de la nourriture en gros, ni même de l’huile de cuisson, les générateurs ne peuvent pas tourner la nuit, forçant la population à marcher dans l'obscurité.

Sans écoles et sans travail, les jeunes préfèrent quitter la ville quand ils le peuvent. Les garçons s’en vont à la recherche de travail tandis que les filles en âge de se marier partent dès qu’elles en ont l’occasion.

Les femmes vendent des collations maison dans des bacs en plastique sur le bord de la route pour se faire un peu d’argent.

Quand elle n'avait pas école, Maryam Abubakar aidait sa mère qui vendait des collations, des gâteaux aux haricots et des nouilles. Le jour où Maryam a été enlevée, juste avant qu'elle se rende à l'école, elle aidait sa mère.

"Elle avait vendu pour 50 $," dit sa mère. "C’était une grande femme d'affaires. Elle était très paresseuse au champ, mais elle était très douée avec les clients."

Ce fut le dernier moment que mère et fille ont passé ensemble.