“ Les miliciens, mercenaires et criminels ne sont pas considérés comme des réfugiés ” Ann Encontre

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“ Les miliciens, mercenaires et criminels ne sont pas considérés comme des réfugiés ” Ann Encontre

FRATERNITE MATIN, 03 Jun 2013

URL: http://www.fratmat.info/politique
Depuis les dernières attaques à l’ouest de la Côte d’Ivoire, le Hcr a suspendu le rapatriement des réfugiés par Toulepleu. Dans cet entretien, sa représentante en Côte d’Ivoire en explique les raisons et définit le statut des miliciens et mercenaires.
Nous avons remarqué que, depuis quelque temps, le rapatriement des réfugiés est suspendu. Peut-on dire que vous avez mis fin à ce programme ?
Non, pas du tout ! Pour votre information, sachez que le rapatriement n’est pas arrêté. En mars 2013, trois attaques ont été enregistrées dans des villages autour de Bloléquin. Face à cette situation, le Hcr a décidé de suspendre le mouvement des réfugiés via le centre de transit de Toulepleu. Cela, pour voir les mesures à prendre pour assurer leur sécurité ainsi que celle du personnel du Hcr et de ses partenaires. Toutefois, nous avons organisé d’autres convois du Maryland contee au Liberia vers Tabou en Côte d’Ivoire. En outre, nous sommes en train de planifier le retour des réfugiés du Togo et du Ghana vers l’est du pays.
Qu’a fait le Hcr pour les populations après ces attaques que vous évoquiez tantôt?
Nous avons d’abord dépêché une équipe sur le terrain pour évaluer les besoins des populations des villages de Zilebly et Petit-Guiglo. Ensuite, nous avons distribué des non-vivres et des biens domestiques à plus de 400 personnes déplacées. Nous nous sommes, enfin, rendus dans les villages sinistrés pour encourager les populations à y rester.
Beaucoup de réfugiés qui s’apprêtaient à rentrer au pays sont méfiants du fait des dernières attaques.
Quelles sont les nouvelles stratégies de votre structure pour les convaincre de rentrer au pays?
Nous avons informé les réfugiés. S’ils ne veulent pas attendre avant de retourner dans leur pays, nous allons respecter leur droit au retour et leur donner le « cashgrant » que les autres ont reçu. Ils vont aussi bénéficier, de la part du Programme alimentaire mondial (Pam), de vivres, à l’instar de tous les réfugiés qui rentrent en Côte d’Ivoire.
Nous allons mettre en place le programme « go and see », « come and tell ». Qui veut dire aller au pays et retourner parler aux réfugiés. Nous sommes en train d’organiser une visite au Liberia avec le sous-préfet de Bloléquin et le gouvernement liberien pour discuter avec les réfugiés sur place afin de comprendre ce qui se passe à l’ouest de la Côte d’Ivoire. Surtout au niveau des questions foncières. Je précise que beaucoup de réfugiés ont manifesté leur désir de rentrer au bercail parce qu’ils ont le sentiment que le pays bouge, l’économie redémarre et ils veulent venir participer à la construction de leur pays. C’est dommage parce que, entre - temps, les attaques ont eu lieu et ils ont eu peur. C’est pourquoi les autorités locales voudraient discuter avec eux directement au Liberia, dans l’optique de leur donner les vraies informations sur le pays, leurs villages respectifs et leur dire que celui qui reviendra entrera en possession de ses terres. Les chefs de village et de communauté, des leaders religieux, des représentants de la société civile souhaitent également accompagner les autorités locales pour avoir un entretien avec les réfugiés. Il s’agira pour eux de les réconforter et les rassurer quant à leur sécurité si jamais ceux-ci décidaient de revenir chez eux.
Peut-on connaître le nombre de réfugiés qui sont déjà rentrés au pays depuis la fin de la crise et combien restent encore à l’extérieur?
Cette année, nous avons rapatrié 6874 réfugiés. Mais depuis janvier 2012, nous en avons rapatrié 200000 qui ont regagné leurs localités d’origine. Il y en a encore 60 mille rien qu’au Liberia.
Dans quelles conditions une personne peut-elle perdre son statut de réfugié?
Une personne peut perdre son statut de réfugié quand il y a une clause de cessation décidée par le gouvernement qui lui offre l’asile et le Hcr, quand la paix et la sécurité sont de retour dans son pays d’origine. Même si tous les réfugiés peuvent perdre leur statut a priori, il y aura toujours quelques-uns qui demanderont l’exception parce que, soit ils ont toujours peur, soit ils ont des cas spécifiques. Dans ce cas, ils peuvent demander exceptionnellement l’asile. Mais ceux qui ont commis des crimes ou posé d’autres actes graves et qui ne sont pas considérés comme ayant besoin d’aide humanitaire peuvent perdre leur statut de réfugié. Par exemple, si un tribunal décide qu’il sont des criminels reviendra. Les miliciens et mercenaires ne sont pas considérés comme des réfugiés.
Où en est-on avec le programme « go and see? »
« Go and see » est un programme qui consiste à envoyer quelques réfugiés dans leurs zones d’origine afin d’y voir les réalités et retourner ensuite pour les expliquer aux autres réfugiés. C’est pour lutter contre les rumeurs et encourager ces derniers à rentrer au bercail qu’il a été mis en place. Nous avons effectué un « go and see » en mars pour six réfugiés du Ghana. Nous sommes en train d’en préparer un autre pour ceux du Togo.
Les réfugiés sont-ils toujours soutenus lorsqu’ils rentrent au pays?
Quand les réfugiés rentrent chez eux, nous leur remettons 300 dollars (150 mille Fcfa) pour les adultes et 150 dollars (75 000 Fcfa) pour les enfants. Nous sommes en train de construire des maisons avec nos partenaires dans des villages. Nous en avons bâti 350 en 2012. Pour cette année, nous prévoyons le double et certaines habitations seront réhabilitées. Tous cela, grâce au soutien financier des gouvernements du Brésil, du Japon, des Etats-Unis, de Côte d’Ivoire et d’autres donateurs.
Cette année, nous avons déjà bénéficié de 3,5 millions de dollars pour les réfugiés ivoiriens et liberiens (4020) qui restent en Côte d’Ivoire pour leur réinsertion. La moitié de ces Libériens ont décidé de rester dans votre pays en tant que citoyens de la Cedeao. Nous sommes en train de demander leurs passeports ainsi que leurs cartes consulaires pour qu’ils mènent leur vie comme tout le monde. Nous avons aussi des activités génératrices de revenus (Agr) et une formation pour des petits emplois, surtout à Guiglo. À Tabou, avec l’Onudi, nous avons un centre de formation qui est déjà ouvert, en partenariat avec le gouvernement à travers le ministère de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle. Nous sommes aussi en train d’en ouvrir un autre à Zouan-Hounien.
Quel est votre objectif en créant des centres de formation?
Notre but est de former les ex-réfugiés afin qu’ils puissent s’insérer dans le tissu social et se prendre en charge.
Le centre est ouvert aux réfugiés ivoiriens, aux personnes déplacées internes, à ceux qui sont retournés dans leurs villages et aux populations hôtes.
On a parlé de Burkinabè de Bouaflé qui ont été naturalisés. Qu’en pensez-vous, en tant que première responsable du Hcr?
Le gouvernement ivoirien a régularisé la situation de certaines personnes qui vivaient en Côte d’Ivoire depuis plusieurs années. Le Hcr lui apporte assistance pour des questions d’apatridie, par exemple, en termes de production de journaux officiels. Ce n’est pas seulement pour des Burkinabè, mais aussi pour d’autres personnes qui n’ont pas la preuve de leur nationalité en Côte d’Ivoire, y compris les enfants nés en dehors du pays, dans des camps de réfugiés, dans les pays où ils ont fui depuis les différentes crises. La période d’enregistrement a été prolongée par le gouvernement jusqu’en août 2014.
Quel message adressez-vous donc aux réfugiés ?
Le Hcr est disposé à assister tous ceux qui sont prêts à rentrer volontairement dans leur pays. Nous sommes ici pour soutenir le gouvernement de Côte d’Ivoire, aider les gens à recommencer ou à continuer leur vie en Côte d’Ivoire, et aider le pays à se développer avec ses populations. La nation ivoirienne a besoin de tous ces enfants pour son développement. Je remercie Fraternité Matin pour le travail qu’il abat.
Interview réalisée par
Saint-Tra Bi

Correspondant Régional