Gambie : dernier ultimatum de la Cédéao, les opérations militaires suspendues

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Gambie : dernier ultimatum de la Cédéao, les opérations militaires suspendues

Le Monde, 20 Jan 2017

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L’organisation africaine laisse jusqu’à vendredi midi au président guinéen Alpha Condé pour convaincre Yahya Jammeh de quitter le pays.

Le Monde.fr avec AFP Le 20.01.2017 à 02h57 • Mis à jour le 20.01.2017 à 08h30


L’ultime médiation avant l’épreuve de force. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a annoncé avoir suspendu son opération militaire lancée jeudi 19 janvier pour contraindre Yahya Jammeh, le président sortant de la Gambie, à céder le pouvoir, le temps d’une dernière tentative diplomatique menée par la Guinée.

Le président guinéen, Alpha Condé, se rend ainsi dans un premier temps en Mauritanie pour y rencontrer son homologue Mohamed Ould Abdel Aziz, qui avait mené la précédente mission auprès de M. Jammeh mercredi soir. Il ira ensuite dans la capitale gambienne Banjul, a expliqué le patron de la Commission de la Cédéao, Marcel Alain de Souza.
De son côté, la télévision d’Etat gambienne GRTS a annoncé jeudi soir l’arrivée vendredi d’une délégation de haut rang du Liberia, de Mauritanie, de Guinée et des Nations unies en vue d’un « dialogue pacifique pour trouver une solution à l’actuelle impasse politique », dans un communiqué officiel lu à l’antenne.


« Hors de question qu’il reste sur place »

Un ultimatum a été donné à Yahya Jammeh qui a jusqu’à vendredi midi (heure locale) pour quitter le pays, a détaillé à la presse, depuis Dakar, M. de Souza. « Il est hors de question qu’il reste sur place », a-t-il précisé. « Ce qu’on lui [demande], c’est de partir. » Si cette échéance n’est pas respectée, « les troupes [sénégalaises et de quatre autres pays d’Afrique de l’Ouest] vont passer à l’intervention militaire proprement dite », a-t-il ajouté.

L’opération, baptisée « Restaurer la démocratie », avait été lancée officiellement peu après l’investiture du nouveau président Adama Barrow, depuis le Sénégal, et le vote unanime d’une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU. Pour l’heure, les soldats n’ont procédé qu’à quelques tirs de sommation, selon M. de Souza.

Le responsable de la Cédéao a affirmé que 7 000 hommes au total seraient mobilisés par les cinq pays engagés – Sénégal, Nigeria, Ghana, Togo, Mali. Les troupes, entrées par plusieurs points du territoire gambien, ont avancé sans rencontrer de résistance de la part de l’armée ou de la police. Des avions de combat nigérians avaient mené dans la journée des missions de reconnaissance au-dessus du pays.

Le département d’Etat américain a exprimé son soutien à cette intervention, considérant que « son objectif est de contribuer à stabiliser une situation tendue et de tenter de respecter la volonté du peuple gambien ». Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a également salué la « décision historique » de la Cédéao, après le vote du Conseil de sécurité avalisant les initiatives de l’organisation, sans explicitement approuver un recours à la force.

Liesse dans les rues de Banjul

M. Guterres a, en outre, appelé Adama Barrow pour lui exprimer « son soutien total » face au refus de Yahya Jammeh de lui céder le pouvoir. M. Barrow, tout de blanc vêtu, a prêté serment à l’ambassade de Gambie à Dakar peu avant 17 heures, devant le président de l’Ordre des avocats gambien Sheriff Tambadou, en présence de nombreux responsables d’organisations internationales et régionales, ainsi que de ses deux épouses.

Dans son discours, l’homme élu à la surprise générale lors du scrutin présidentiel du 1er décembre, a salué « un jour qu’aucun Gambien n’oubliera jamais », avant d’appeler les commandants des forces armées du pays à se rallier à lui, sous peine d’être traités comme des « rebelles ». Des scènes de liesse ont éclaté peu après dans les rues de Banjul, sans être réprimées par les militaires présents. Le chef d’état-major de l’armée, le général Ousman Badjie, longtemps considéré comme un pilier du régime, a même été vu participant à ce mouvement de joie.

Imprévisible et accusé de violation des droits de l’homme par de nombreuses ONG, Yahya Jammeh, arrivé au pouvoir en 1994 par un coup d’Etat sans effusion de sang, dirigeait depuis le pays d’une main de fer. Malgré les pressions internationales, et abandonné au fil des jours par sa vice-présidente et plusieurs de ses ministres, il s’est obstiné à demeurer en place tant que la justice n’aurait pas statué sur ses recours électoraux.

Le risque de troubles ou d’intervention militaire a poussé de nombreux Gambiens, résidents étrangers et touristes, à quitter le pays. Selon les agences de l’ONU, quelque 25 000 personnes, dont une moitié d’enfants, en sont parties depuis le début de la crise.